François Morel, compositeur, pianiste, chef d'orchestre (né le 14 mars à 1926 Montréal, Québec; décédé le 14 janvier 2018). Lauréat piano (AMQ) 1947, brevet d'enseignement du piano (AMQ) 1950, deuxième prix piano (CMM) 1951, premier prix fugue (CMM) 1953. Il étudia d'abord le piano en cours particuliers (1935-43) et compta ensuite parmi les premiers musiciens québécois formés exclusivement au CMM (1944-53). Il y travailla avec Claude Champagne (composition), Jean Papineau-Couture (acoustique), Isabelle Delorme (harmonie, contrepoint, fugue), Arthur Letondal, Germaine Malépart et Edmond Trudel (piano). C'est là également qu'un de ses amis, Gérald Gagnier, lui inculqua des notions de direction d'orchestre.
Bien qu' Esquisse (1947) soit sa première oeuvre d'importance, c'est toutefois Antiphonie, créée sous la direction de Leopold Stokowski au Carnegie Hall, lors d'un concert de musique canadienne (16 octobre 1953), qui marqua le début de sa carrière de compositeur. L'année précédente, il avait remporté un deuxième prix de composition avec son Quatuor à cordes no 1 lors des fêtes du centenaire de l'Université Laval. En 1954-55, Morel s'associa à Serge Garant et Gilles Tremblay pour promouvoir la musique contemporaine, tant européenne que canadienne, en présentant au CMM deux concerts qui soulevèrent de vives réactions. Il y fit lui-même la création canadienne d'oeuvres comme Île de feu II et Neumes rythmiques de Messiaen. En 1956, ce groupe se réorganisa et adopta le nom de Musique de notre temps. Morel était alors associé à Serge Garant, Otto Joachim et Jeanne Landry. Il enseigna ensuite l'analyse et la composition à l'Institut Nazareth (1959-61). À la SRC, dont il a écrit un indicatif musical lancé en 1974, il fut compositeur de musique de scène, conseiller musical, recherchiste (1956-v. 1979) et animateur à l'émission radiophonique « Festivals » (1964-66). Il a composé la musique de plusieurs téléthéâtres (« L'Heureux stratagème » de Marivaux, « Le Procès d'Andersonville U.S.A. août 1865 » de Saul Levitt, « Piège pour un homme seul » de Robert Thomas) et téléromans (« Quelle famille », « Grand-papa »). La SRC lui a commandé aussi plusieurs oeuvres : Spirale, le Quatuor à cordes no 2, Prismes-Anamorphoses, Trajectoire et Radiance. Il fit partie du conseil de direction de l'AMQ (1972-78). Morel ne revint à l'enseignement qu'en 1976-77 au cégep Bourgchemin de Drummondville, puis à l'Université de Montréal (orchestration et composition) en 1979-80 et à l'Université Laval à partir de 1979 où il donne les mêmes cours en plus de diriger l'atelier de musique contemporaine.
En 1960, l'OSM sous la direction d'Igor Markevitch créa Boréal commandé par son comité des jeunes. L'oeuvre fut plus tard interprétée par le TS au Japon et en Chine (1978). Tout comme dans Rituel de l'espace et Nuvattuq, le langage de Boréal dénote l'influence qu'exerça sur Morel sa rencontre avec Varèse au cours de l'été 1958. L'OSM sous la direction de Thomas Schippers a également créé L'Étoile noire (1962), oeuvre inspirée du tableau du même nom du célèbre peintre québécois Paul-Émile Borduas, et, sous la direction de Rafael Frühbeck de Burgos, Jeux (1976), commandée pour l'inauguration de la 78e session de Comité international olympique précédant les Jeux olympiques. Son oeuvre Melisma (1980) pour piano et orchestre lui fut commandée pour le 14e Concours international de Montréal. Aux couleurs du ciel (1985-87), oeuvre inspirée de l'ouvrage Poussières d'étoiles (Paris 1984) de l'astrophysicien Hubert Reeves, fut commandée et créée en 1988 par l'OSM dirigé par Charles Dutoit.
Constants dans tout son oeuvre, le souci de la pulsation rythmique et la recherche de couleurs sonores se reflètent plus particulièrement dans Rythmologue et Deux Études de sonorité. Ces dernières figurent au répertoire de nombreux pianistes canadiens dont André Laplante, Arthur Ozolins, Claude Savard, André-Sébastien Savoie et William Stevens.
Le compositeur divise lui-même sa production en trois grandes catégories : « Après une période où la préoccupation des <modes> (Antiphonie) a envahi mon écriture, je suis sollicité par le chromatisme total, non érigé en système (Rituel de l'espace), pour enfin saisir l'importance d'un système cohérent comme celui que proposait Arnold Schoenberg et son école, mais je dois ajouter immédiatement que c'est avec prudence et timidité que j'utilisai la <série> de douze sons » (Variations, septembre-octobre 1978). Cette troisième manière se retrouve notamment dans L'Étoile noire ainsi que dans Radiance et IIKKII (Froidure).
Dans la préface d'un fascicule du Centre de musique canadienne, Compositeurs au Québec : François Morel (1974), Lyse Richer résumait de façon pertinente la démarche du musicien : « Formé à l'école de la tradition française, François Morel subit une évolution lente à l'intérieur de laquelle chaque pas est marqué du signe de l'exorcisme. Depuis l'analyse des formes et des strucutres des oeuvres des Debussy, Ravel, Stravinsky et Messiaen, son langage suit la trace de Bartók pour s'engager résolument dans la voie de l'espace chère à Varèse. Pour ce faire, vents et percussions seront privilégiés; quelques essais de musique électronique seront rejetés devant l'éventualité d'écrire une oeuvre fixée dans le temps, incapable d'évoluer avec lui. »
« Cette vitalité, essentielle à l'oeuvre musicale, pénétrera la pensée du compositeur et l'amènera à réviser, refaire et même repenser certaines oeuvres, témoins d'une étape révolue. Cette nécessité pourrait sans doute être interprétée comme un besoin de suivre la mode, de personnifier l'avant-garde des mouvements musicaux au Québec. François Morel s'en défend bien. Il demeure un compositeur aux couleurs très riches et aux sonorités éblouissantes. Il demeure également l'homme chez qui l'émerveillement gratuit et spontané cède le pas à la satisfaction provoquée par l'oeuvre bien faite et qui <sonne bien>. »
Morel est membre de la LCComp depuis sa fondation (1951) et compositeur agréé du Centre MC. RCI lui a consacré un coffret de sa collection Anthologie de la musique canadienne, paru en 1980 (5-ACM 6).
COMPOSITIONS (Sélection)
Orchestre ou harmonie
Esquisse : 1947; orch moy; BMIC 1964; RCI 129 (TS), CBC SM-332 et 5-ACM 6 (OCNA).
Antiphonie : 1953; grand orch; BMIC 1960; RCI 180 et 5-ACM 6 (Orchestre symphonique de la SRC), RCI 644 (ONJ), (1966) Lou LS-661 (O Louisville, R. Whitney c orch).
Boréal : 1959; grand orch; Ber 1976.
Rituel de l'espace : 1959; grand orch; ms; RCI 213, RCA CCS-1007 et 5-ACM 6 (R. Leduc).
L'Étoile noire (Tombeau de Borduas) : 1962; grand orch; BMIC 1964; 2-Col M2S-756, Odyssey Y-31993, Col MS-6962 et CBS Master 32110038 (TS).
Prismes-Anamorphoses : 1967; orch; Québec-Musique 1981; RCI 292 et 5-ACM 6 (Deslauriers).
Radiance : 1972; pt orch; Ric 1974; RCI 367 et 5-ACM 6 (SMCQ).
Melisma : 1980; p, orch; ms.
Aux marges du silence : 1982; harm; ms; (1985); SNE 508 (harm de l'Université Laval, Bircher dir).
Aux couleurs du ciel : 1985-87; harm; ms.
De subitement lointain : 1989; harm; ms; SNE 561 (voir DISCOGRAPHIE).
Musique de chambre
Dyptique (à l'origine Suite pour petit orchestre) : 1948 (rév 1956); 23 instr; ms; (version 1948) RCI 7 (J.-M. Beaudet).
2 Quatuor à cordes : 1952, 1963; ms (no 1), Ber 1982 (no 2).
Cassation : 1954; septuor vent; ms; RCI 128 et 5-ACM 6 (R. Leduc).
Symphonies : 1956; ens cuivres, perc; ms; SNE 521 (voir DISCOGRAPHIE).
Rythmologue : 1957 (rév 1970); 6 ou 8 perc; ms; RCI 298 (voir DISCOGRAPHIE), McGill University Records 77003 et 5-ACM 6 (Béluse).
Quintette : 1962; cuivres; Québec-Musique 1989; CBC SM-216 et 5-ACM 6 (Canadian Brass).
Étude en forme de toccate : 1965; 2 perc; BMIC 1968.
Nuvattuq : 1967; fl; Kerby 1975; (1976) RCI 409 et (1980) 5-ACM 6 (J.C. Morin).
Départs : 1969; 2 perc, guit, hp, 14 cdes; ms; RCI 367 et 5-ACM 6 (SMCQ).
IIKKII (Froidure) : 1971; 18 instr; Ric 1974; RCI 367 et 5-ACM 6 (SMCQ).
Me Duele España : 1975 (rév 1977); guit; Québec-Musique 1980; RCI 457 et 5-ACM 6 (Laucke).
Duolet I et II : 1982, 1988; 2 fl; Dob-Yppan 1988; 1990; SNE 561 (Breton, Lemay).
L'Oiseau-Demain : 1982; 12 fl, 2 cl, 3 perc; ms; SNE 508 (voir DISCOGRAPHIE).
Divergences : 1983; vn, guit; ms; RCI 583 (Laucke).
Talea (Couleur) : 1984; fl (fl al, picc), ht (cor angl), cl (cl basse); ms.
Aerea : 1986; ens cuivres; ms; SNE 521 (voir DISCOGRAPHIE).
Fulgurance I : 1986; fl, cor, vc, p (cél), hp, 2 perc; ms.
Lyre de crystal : 1986; 6 perc; ms; RCI 652 (Béluse).
Les Voix de l'ombre : 1987; ens cuivres; ms; SNE 521 (voir DISCOGRAPHIE).
Figures-Segments-Ellipses : 1990; 2 cl, quat cdes; ms.
Fulgurance II : 1990; fl al, ht d'amour (cor angl), cl, cor, vn, al, vc, p (cél), hp, 2 perc; ms.
Paysage dépaysé : 1990; 2 vn, al, 2 vc; ms.
Distance intime : 1991; fl, p; ms.
Stèle : 1991; cl; ms.
Clavier
Ronde enfantine : 1949; p; BMIC 1953; RCI 135 (J. Dufresne).
Deux Études de sonorité : 1954; p; BMIC 1966; RCI 251 et 5-ACM 6 (A.-S. Savoie), CBC SM-182 (Savard), (no 2) Laur CTM-6036 (Stevens).
Prière : 1954; org; BMIC 1965; CBC SM-5024 (M. Lagacé).
Alleluia : 1964-68; org; ms; 5-ACM 6 (B. Lagacé).
Autres oeuvres pour orch et pour ens instr; 2 oeuvres mss pour v et p : Quatre Chants japonais (1949), et Les Rivages perdus (1956) enregistrée sur RCI 201 et 5-ACM 6 (Jeannotte).
(direction)
Discographie
Musique à l'Université Laval I : Brant, Morel, Stravinsky; div ens; (1985); SNE 508.
Musique à l'Université Laval II : Morel Symphonies, Aerea, Les Voix de l'ombre ; ens de cuivres de l'Université Laval; 1988; SNE 521 (CD).
Musique à l'Université Laval III : Morel De subitement lointain ; O bois et cuivres contemporain de l'Université Laval; 1990; SNE 561 (CD).
Musique d'aujourd'hui I : Morel Rythmologue ; Ens de perc de Mtl; (1970); RCI 298.