Chasse à la baleine | l'Encyclopédie Canadienne

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Chasse à la baleine

La chasse à la baleine a une longue histoire dans les eaux du Canada. Divers peuples autochtones ont été les premiers à chasser la baleine dans ces régions. Plus tard, les Européens, les Américains et les Canadiens ont pratiqué la chasse à la baleine à grande échelle. Environ 33 espèces de baleines sont présentes dans les eaux canadiennes, dont 13 sont d’importance commerciale. Les espèces qui ont été chassées les premières étaient celles qui étaient plus faciles à chasser, comme les baleines noires, les baleines boréales et les baleines grises. Au fur et à mesure que le nombre de ces espèces a diminué, les baleines à bosse et les cachalots sont devenus les proies préférées. Plus tard encore, lorsque les progrès technologiques l’ont rendu possible, les très rapides rorquals bleus, les rorquals communs et les rorquals boréaux ont été également chassés. Cette chasse à la baleine a également eu un impact important et largement négatif sur de nombreux peuples autochtones et elle a failli entraîner l’extinction de plusieurs espèces de baleines. Aujourd’hui, toute chasse commerciale à la baleine est interdite dans les eaux canadiennes.

Histoire

Les premiers baleiniers au Canada sont les peuples autochtones, comme les Nuu-chah-nulth (Nootkas) de l’île de Vancouver, et diverses communautés qui chassent pour leur subsistance. Dès le 16e siècle, des marins basques de France et d’Espagne naviguent dans le golfe du Saint-Laurent, où un grand nombre de baleines se rassemblent tous les étés pour se nourrir, pour chasser à des fins commerciales.

Côte de l’Atlantique

Au 18e siècle, des navires britanniques et américains naviguent le long de la côte atlantique. Au 19e siècle, les Canadiens se lancent dans cette activité. Ils établissent une station baleinière à Terre-Neuve et ils capturent des baleines dans le cadre d’une opération de pêche en haute mer à partir de Gaspé. Les baleiniers norvégiens arrivent dans la région vers la fin du siècle et ils établissent des stations à Terre-Neuve-et-Labrador et dans le golfe du Saint-Laurent.

Côte du Pacifique

À partir des années 1830, des baleiniers américains font route vers le nord jusqu’à la mer de Béring, pour y chasser les baleines qui migrent le long de la côte du Pacifique. Une industrie locale canadienne est établie brièvement de 1868 à 1872 dans des ports de l’île de Vancouver et dans le détroit de Georgia. À partir de 1905, au moins une installation est en exploitation (sauf de 1942 à 1947) jusqu’en 1967, moment où la dernière entreprise de la côte ouest, la Western Canada Whaling Company, ferme ses portes.

L’Arctique et le détroit de Davis

La pêche à la baleine commence dans la région du détroit de Davis dans l’Arctique au 17 e siècle. Les baleiniers hollandais, allemands, anglais et écossais limitent en grande partie leurs efforts sur le côté est (Groenland) jusqu’à ce que des expéditions menées par John Ross (1818) et William Edward Parry (1819) traversent la baie de Baffin et ouvrent la voie dans le détroit de Lancaster. Le point le plus au nord de la pêche à la baleine est l’île d’Ellesmere. En automne, la zone de pêche à la baleine la plus importante est dans la baie Cumberland. L’activité baleinière atteint son point culminant entre 1820 et 1840, lorsqu’il y a parfois près de 100 navires dans le détroit de Davis; certaines années, les captures dépassent 1000 baleines.

Habituellement, les expéditions de pêche à la baleine ne durent qu’un été; les navires arrivent dans le détroit de Davis en avril et ils essaient de repartir en octobre. Cependant, à de nombreuses reprises, les navires sont piégés par les glaces et ils se trouvent prisonniers tout l’hiver ou ils coulent. Alors que les baleiniers britanniques dominent les zones du détroit de Davis, les navires américains ouvrent le coin nord-ouest de la baie d’Hudson (1860) et après 1889, ils dépassent Point Barrow, dans la mer de Beaufort. À la fin des années 1890, des navires entrent dans le golfe Amundsen. Comparativement à l’est de l’Arctique, la pêche à la baleine dans la mer de Beaufort ne dure pas aussi longtemps (de 1889 à 1914 environ). Ces régions sont tellement inaccessibles que les baleiniers demeurent toute l’année sur place. Ils passent les mois d’hiver à geler dans des abris portuaires pour pouvoir commencer la pêche dès le début du printemps. La population de baleiniers n’est pas nombreuse; au plus, 500 marins hivernent dans la mer de Beaufort, et 200 sont dans la baie d’Hudson. L’hivernage sur l’île de Baffin ne commence pas avant les années 1850. Ce n’est que plus tard au cours du siècle que des stations côtières permanentes sont établies, dont celles de Kekerton et de l’île Blacklead dans la baie Cumberland.

Impact sur les peuples autochtones et sur l’ArctiqueL’impact des baleiniers sur les Inuits est profond. Les peuples autochtones sont employés comme pilotes, chasseurs, conducteurs de chiens et couturières, souvent afin de pouvoir se procurer des marchandises commerciales européennes. Les contacts entre les baleiniers et les Inuits dans les stations côtières entraînent inévitablement la propagation de maladies européennes. Des épidémies de rougeole, de typhus et de scarlatine ravagent les populations autochtones (voir Épidémies au Canada). Au début du 20e siècle, un peuple entier, les Inuits Sadlermiuts de l’île Southampton dans la baie d’Hudson, est anéanti. L’afflux des baleiniers cause beaucoup de torts aux ressources de l’Arctique. Des troupeaux de caribous sont décimés pour fournir de la viande aux équipages des navires. Comme les réserves de viande et de cuir diminuent et que les goûts changent, de nombreux Inuits dépendent de la nourriture et des vêtements échangés avec les baleiniers. Certains Autochtones sont employés sur les navires comme chasseurs ou membres d’équipage et, petit à petit, la vie économique des Inuits se transforme.

Impact politique

Les activités des baleiniers étrangers dans l’Arctique incitent le gouvernement canadien à affirmer sa souveraineté sur l’archipel Arctique. Officiellement, ces îles appartiennent au Canada depuis 1880, mais aucune présence n’y est établie et les baleiniers étrangers continuent de pêcher dans l’Arctique sans aucune réglementation. Vers 1900, des soupçons laissent croire que les États-Unis veulent annexer la région, utilisant le prétexte des activités des baleiniers américains. Des détachements de la Police à cheval du Nord-Ouest y sont créés (en 1903) pour prélever des droits de douane, réglementer le trafic d’alcool, délivrer des permis de pêche à la baleine et faire régner l’ordre.

Produits dérivés des baleines

Les baleines sont valorisées pour différents produits à différentes époques. Les Inuits utilisent toutes les parties de la baleine; ils mangent la peau, la graisse, la chair et les organes internes, ils utilisent les fanons et les os pour construire des bâtiments et fabriquer des meubles et d’innombrables petits objets, et ils se servent de l’huile pour se chauffer et s’éclairer. Les Européens sont plus gaspilleurs. Initialement, l’huile extraite de la graisse est utilisée pour alimenter les réverbères et pour fabriquer du savon. À la fin du 19e siècle, le gaz de houille et les produits pétroliers remplacent l’huile animale comme combustible d’éclairage, mais on continue à utiliser cette dernière dans la margarine, les peintures et les vernis et comme lubrifiant. L’huile de blanc de baleine produite par les cachalots sert à fabriquer des bougies, des lubrifiants, des cosmétiques et du cirage à chaussures.

La baleine boréale est la plus importante baleine des eaux canadiennes. Elle fournit les fanons, une substance qui pend en longues bandes en forme de rideau du plafond de sa bouche. Une baleine boréale de grande taille peut produire plus de 700 bandes. À la fin du 19e siècle, la pratique d’enlever les fanons et de jeter la carcasse est courante. Cette substance flexible est utilisée pour une variété de produits, comme des fouets de buggy, des cerceaux de jupes, des parapluies, des roues de calèches, des corsets et des cannes à pêche. Au 20e siècle, on les remplace par l’acier à ressort et par le plastique. La viande de baleine est utilisée pour la consommation humaine, surtout au Japon et en Norvège, et pour l’alimentation animale.

Claquement de queue de baleine boréale

Tactiques de chasse

À l’origine, les baleiniers commerciaux armés de harpons et de lances pourchassent les animaux à bord de petites embarcations. Le harpon est enfoncé dans la baleine et on la laisse aller libre au bout du fil. Une fois le câble entièrement déroulé, on attache la baleine à l’embarcation jusqu’à ce qu’elle s’épuise avant de la tuer. De nouvelles armes sont utilisées au milieu du 19e siècle. Le fusil à épaule décharge un projectile qui explose à l’intérieur de l’animal. Le canon-harpon, semblable à un canon, est installé à la proue du bateau, tire un harpon barbelé auquel est attachée une charge explosive. De telles armes transforment la chasse en un véritable carnage.

Le moteur à vapeur est appliqué pour la première fois aux baleiniers dans les années 1850. Dès 1870, presque toute la flotte du détroit de Davis s’est convertie à la vapeur et les baleiniers américains de la mer de Beaufort leur emboîtent rapidement le pas. La vitesse accrue des bateaux, ainsi que leur puissance et leur maniabilité, permettent aux baleiniers de s’éloigner davantage de leur port d’attache et de réduire les dangers occasionnés par les glaces et les tempêtes.

Interdiction de la chasse à la baleine et conservation

Dans l’Arctique, la pêche à la baleine commerciale est presque interrompue par le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Les stocks de baleines sont épuisés jusqu’à l’extinction, et la demande de fanons diminue. Toutefois, le long de la côte de la Colombie-Britannique, ainsi qu’à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, la pêche à la baleine se poursuit à partir de plusieurs stations terrestres, les bateaux de capture pourchassant et tuant les baleines et ramenant les carcasses à terre pour la transformation. En 1925, la chasse à la baleine entre dans une nouvelle phase à l’échelle internationale avec l’introduction des navires-usines. Les prises annuelles augmentent considérablement; à la fin des années 1930, plus de 50 000 baleines sont capturées annuellement. Après la création de la Commission baleinière internationale en 1946, l’abattage de plusieurs espèces est complètement interdit et des quotas sont établis pour contrôler l’exploitation des autres espèces. En 1972, le gouvernement fédéral ordonne l’arrêt de toutes les activités de pêche à la baleine à partir des ports canadiens. L’ordre gouvernemental ne touche que deux stations à Terre-Neuve et une en Nouvelle-Écosse, puisque la dernière compagnie de la côte ouest a fermé ses portes en 1967. La pêche à la baleine est toujours permise aux Inuits. Grâce aux mesures de protection, certains stocks de baleines montrent des signes de repeuplement. Dans les années 1930, on croyait que la baleine boréale était au bord de l’extinction, et elle avait été déclarée animal menacé. Des études récentes démontrent qu’elle a survécu et qu’elle revient lentement dans certaines régions.

Le Canada est membre de la Commission baleinière internationale, mais il se retire en 1982. La Commission obtient des succès importants; toutefois, comme les pays membres ne sont pas tenus de se conformer à ses recommandations, la commission ne peut être efficace dans la mesure où les pays qui pratiquent la chasse à la baleine le permettent. Des décisions sont souvent tempérées par le désir de garder les pays dans l’organisation, où un certain contrôle est possible, plutôt que de les laisser en marge où leurs activités sont totalement non réglementées. En 1980, le Canada est en désaccord avec les efforts déployés pour déclarer un moratoire sur la chasse commerciale à la baleine, car en l’absence d’une recommandation claire et justifiée d’une telle action de la part du comité scientifique de la Commission, il estime que les exigences de conservation peuvent être satisfaites dans le cadre de la procédure de gestion de la commission, qui prévoit des moratoires sélectifs (quotas zéro). La position du Canada sur la question du moratoire est vivement critiquée par les groupes opposés à la chasse à la baleine. Néanmoins, un moratoire annoncé en 1982 entre en vigueur le 1er janvier 1986. Bien qu’il ne soit plus membre de la Commission baleinière internationale, le Canada continue d’interdire la chasse commerciale à la baleine sur son territoire et de coopérer avec le comité scientifique de la Commission.

Voir aussi Conservation et aménagement de la faune.

Lecture supplémentaire

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