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Éducation des Autochtones au Canada

Avant le contact avec les Européens, les peuples autochtones éduquent leurs jeunes par des moyens traditionnels : démonstration, socialisation en groupe, participation à des rites spirituels et culturels, développement des compétences et enseignement oral. L’introduction de l’enseignement en salle de classe à l’européenne – dans une optique plus large d’assimilation – vient bouleverser les méthodes traditionnelles, donnant lieu à un traumatisme et à un déracinement culturels. Les réformateurs des politiques en matière d’éducation des Autochtones tentent aujourd’hui de réintégrer les enseignements traditionnels et d’offrir un meilleur soutien culturel et linguistique afin de renforcer et d’améliorer les résultats obtenus par les enfants autochtones dans le système d’éducation.

Introduction : l’éducation traditionnelle

L’éducation traditionnelle chez la plupart des peuples autochtones passe par différentes techniques, y compris l’observation et la pratique, la socialisation familiale et de groupe, les enseignements oraux et la participation à des cérémonies et des traditions communautaires. Les adultes responsables de l’éducation des jeunes sont les parents, les grands-parents, les membres de la famille élargie et les aînés de la communauté. Par exemple, dans les communautés inuites, les garçons reçoivent leur éducation sur leur terre, aux côtés de membres de leur famille élargie. Les filles Inuk, elles, acquièrent des compétences domestiques comme la préparation de peaux et de fourrures pour la confection des vêtements, la coupe et la couture, la cuisine, la préparation des aliments et l’éducation des enfants, sous la supervision des femmes plus âgées de leur famille élargie. La plupart des autres nations autochtones suivent des techniques d’enseignement similaires.

Là où l’organisation et la taille de la communauté le justifient, les jeunes sont également instruits par des membres des organisations et des sociétés cérémoniales du groupe auquel ils appartiennent. Ces sociétés ont des obligations particulières, dont celle de gardien du feu (personne responsable de surveiller et d’entretenir les feux sacrés dans les sueries et dans d’autres lieux culturels et spirituels), et la transmission des légendes et des traditions religieuses. Dans les cultures côtières du Nord-Ouest, plus hiérarchisées sur le plan socioéconomique – comme les Haida et les Nuu-chah-nulth –, on observe en outre certains rôles artisanaux et cérémoniaux spécialisés dont le maintien dépend de l’apprentissage de compétences et de connaissances appropriées par les jeunes. Les peuples autochtones moins stratifiés s’appuient également sur la formation des apprentis, qui acquièrent certaines connaissances sur les médicaments, les cérémonies et les histoires orales.

Par ces méthodes, les enfants acquièrent les valeurs, les croyances, les compétences et les connaissances considérées comme nécessaires à la vie d’adulte. Ces techniques subsistent de nos jours, bien que leur importance pour de nombreux peuples autochtones ait été considérablement amoindrie par 350 ans d’enseignement formel en salle de classe selon la méthode européenne.

La mise en place d’un système d’éducation de style européen par les gouvernements coloniaux va de pair avec des politiques d’assimilation bien ancrées et une destruction culturelle particulièrement efficace (voir la Loi sur les Indiens). S’appuyant sur des initiatives d’éducation menées par l’église, les gouvernements coloniaux cherchent à réduire la dépendance des populations autochtones à l’égard de la chasse et de la cueillette de subsistance. Devant le déclin progressif du commerce de la fourrure et la nécessité évidente d’une augmentation de l’immigration dans l’ouest du pays, les politiques coloniales et nationales visent à stopper le mouvement constant des familles et des communautés qu’exige le mode de vie traditionnel des Autochtones. En établissant des communautés plus ou moins permanentes (réserves) et en obligeant les enfants à fréquenter des écoles dirigées par le clergé (pensionnats), les gouvernements coloniaux, puis fédéral, entreprennent un long processus d’assimilation des peuples autochtones.

Une immigration accrue et des politiques coloniales et fédérales visant à obtenir des terres par voie de cession ou au moyen de traités mènent de nombreux dirigeants autochtones à accepter à contrecœur le fait que leur mode de vie traditionnel n’est plus soutenable (voir aussi Traités numérotés). En outre, de nombreux dirigeants perçoivent la nouvelle méthode d’enseignement en salle de classe comme une stratégie efficace pour doter les jeunes de moyens de survivre dans une nouvelle réalité économique.

Développement de l’enseignement de style européen, 1600-1830

Au début du 17e siècle, on adopte le style d’enseignement à l’européenne pour les enfants autochtones en Nouvelle-France. Les écoles sont gérées par des missionnaires catholiques issus d’ordres religieux français, comme les Récollets, les Jésuites et les Ursulines. Ces écoles établissent un modèle d’engagement du clergé dans l’éducation des peuples autochtones qui perdurera jusqu’après la Deuxième Guerre mondiale. Ces écoles de mission ont pour principal objectif de « civiliser » et de christianiser les peuples autochtones, dont le mode de vie traditionnel est jugé inférieur ou païen (non chrétien).

Au tournant du 19e siècle, les églises protestantes interviennent elles aussi dans l’éducation des enfants autochtones dans ce qui est maintenant le Canada. De 1763 à 1830, les gouvernements coloniaux gèrent les « affaires indiennes » par l’entremise de l’armée. L’éducation formelle fournie aux jeunes autochtones est minimale. Après 1830, une fois l’administration confiée au secrétaire d’État aux colonies, on verse des fonds à l’éducation sous forme de dons aux organismes religieux. Ce financement permet la construction d’écoles rudimentaires, également connues sous le nom d’écoles de mission, dans les colonies autochtones antérieures à l’établissement de réserves. Les leçons données par les missionnaires combinent souvent doctrine chrétienne, alphabétisation et calcul de base.

Pensionnats, de 1830 à 1996

À compter des années 1830, les églises des colonisateurs – principalement l’Église catholique romaine et l’Église anglicane –, en coopération avec les gouvernements coloniaux et plus tard le gouvernement fédéral, commencent à fonder des pensionnats indiens. Certains enfants inuits font leurs études dans des écoles de mission au Labrador dès les années 1790; cependant, l’éducation formelle de style européen pour les jeunes inuits ne commence, à l’échelle nationale, que dans les années 1950 avec la construction d’écoles primaires et de pensionnats dans les grandes villes de l’Arctique, y compris sur l’île de Baffin. Dès 1900, dans le reste du Canada, on compte 64 pensionnats employant des enseignants missionnaires qui assurent l’instruction professionnelle, manuelle et religieuse. Ces écoles sont perçues par les autorités coloniales – et, plus tard, les autorités fédérales – comme le système idéal pour éduquer les jeunes autochtones, étant donné qu’elles éloignent les enfants de l’influence des éléments traditionnels familiaux et culturels. Les pratiques adoptées dans les écoles renforcent la politique générale du gouvernement qui vise à assimiler les peuples autochtones à la société coloniale.

Chaque fois que se présentent les autorités dans les communautés autochtones pour emmener les enfants au pensionnat, des parents cachent leurs enfants pour les empêcher de le faire. Le régime appliqué par le gouvernement est partout inflexible et cruel. Les élèves désobéissants, quelle que soit la faute commise, reçoivent systématiquement une punition corporelle. Les écoles interdisent l’emploi des langues autochtones et amènent les jeunes autochtones à ressentir de la honte par rapport à leur identité culturelle. De nombreux enfants subissent également des sévices sexuels dans les pensionnats. En outre, certaines preuves démontrent que plusieurs enfants sont morts au pensionnat ou à la maison des suites de maladies contractées pendant le temps passé au pensionnat.

Dans les années 1970, le gouvernement commence à fermer les pensionnats d’un bout à l’autre du Canada. Dans l’Arctique, la diminution du nombre de pensionnats mène à la mise sur pied d’un programme de construction d’écoles par le gouvernement fédéral dans la plupart des villages et hameaux inuits en 1970. Le pensionnat Gordon en Saskatchewan ferme ses portes en 1996. Ce sera le dernier à le faire au pays. Le 1 er juin 2008, le gouvernement fédéral met sur pied une initiative quinquennale du nom de Commission vérité et réconciliation afin de permettre aux survivants des pensionnats indiens de raconter leur histoire dans un environnement sécuritaire, tout en renseignant les Canadiens au sujet des pensionnats et de l’impact qu’ils ont eu sur les peuples autochtones.


Écoles des réserves et écoles provinciales, 1867-1972

Bourse d’Études

Après 1867, l’éducation des jeunes autochtones se divise en deux catégories : l’éducation pour les Indiens inscrits , désormais de ressort fédéral en vertu de la Constitution et de différents traités, et l’éducation pour les Indiens non inscrits, les Inuits et les Métis, désormais de ressort provincial ou territorial. En 1900, on dénombre 226 écoles financées par le gouvernement fédéral dans les réserves. La majorité des enseignants sont des missionnaires et le programme accorde toujours une place importante à l’instruction religieuse, introduite par les écoles de mission d’autrefois. Dans les années 1930, le programme commence à se calquer de façon plus étroite sur celui des écoles provinciales non autochtones.

Dès 1940, les statistiques révèlent que peu d’enfants détenant le statut d’Indiens inscrits tirent des bienfaits réels de leur expérience d’éducation formelle. De nombreux enfants doublent trois ou quatre niveaux à l’école primaire, tandis que seulement un petit pourcentage reçoit son diplôme et passe à l’école secondaire. À la suite d’une importante révision du système d’éducation des peuples autochtones à la fin des années 1940, le gouvernement fédéral, de concert avec les autorités scolaires provinciales, instaure une politique d’intégration de l’éducation. Des fonds fédéraux sont alors alloués pour permettre aux élèves de fréquenter des écoles primaires et secondaires provinciales. Des enseignants accrédités par la province remplacent les enseignants non accrédités (en grande partie missionnaires) dans les écoles des réserves. Par la suite, l’ensemble de ces écoles adoptent le programme d’études de la province dans laquelle elles se trouvent. On s’attend alors à ce qu’en retirant les élèves des écoles de jour – au personnel inadéquat, au matériel insuffisant et sous la gouverne du clergé –, l’assimilation sera accélérée et les résultats scolaires s’amélioreront. L’inscription dans les écoles provinciales augmente rapidement, si bien qu’en 1960, on dénombre environ 10 000 élèves autochtones fréquentant des écoles provinciales à l’extérieur des réserves.

Lorsque de nombreux problèmes deviennent évidents dans le programme, parents et dirigeants communautaires décident de réévaluer son utilité. Malgré leurs qualifications nettement supérieures à celles des enseignants missionnaires d’avant les années 1950, les enseignants provinciaux ne sont pas adéquatement formés pour enseigner de manière efficace aux élèves autochtones. Les parents autochtones, mécontents de voir leurs enfants forcés de vivre dans des pensions de famille – souvent situées à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux –, déplorent aussi les longs déplacements quotidiens en autobus requis pour se rendre dans les écoles provinciales. Peu d’étudiants autochtones réussissent à l’école. En 1967, on ne compte en effet que 200 étudiants autochtones inscrits dans les universités canadiennes, sur une population étudiante autochtone totale d’environ 60 000.

Contrairement aux jeunes Indiens inscrits, les Métis et les Indiens non inscrits sont tenus de fréquenter de façon régulière les écoles provinciales et territoriales aussitôt celles-ci établies. La Loi sur les Indiens interdit aux Métis et aux Indiens non inscrits de fréquenter les écoles des réserves. Il existe peu de preuves pouvant démontrer si leurs résultats scolaires ont été de beaucoup supérieurs à ceux des Indiens inscrits.

Éducation des Autochtones gérée par les Autochtones, de 1972 aux années 2010

En 1972, la Fraternité des Indiens du Canada (maintenant connue sous le nom d’Assemblée des Premières Nations) élabore une politique sur l’éducation des Autochtones, qu’elle nomme Maîtrise indienne de l’éducation indienne. Cette politique est ensuite adoptée par Affaires autochtones et Développement du Nord canadien (aujourd’hui Affaires autochtones et du Nord Canada) en tant que politique d’éducation non officielle. La politique insiste sur l’importance du contrôle communautaire pour améliorer l’éducation, la nécessité d’un plus grand nombre d’enseignants autochtones, l’élaboration de programmes scolaires et de ressources d’enseignement pertinents dans les écoles autochtones et l’importance de l’enseignement de la langue et des valeurs autochtones dans l’éducation des Autochtones.

Depuis la présentation initiale de la politique, plusieurs changements sont survenus. En 1972, le Programme de formation des enseignants indiens de l’Université de la Saskatchewan (ITEP), premier programme du genre, commence à admettre des étudiants autochtones. Les écoles des réserves commencent quant à elles à offrir des cours de langues autochtones. Des programmes de formation des enseignants visant à accroître le nombre d’enseignants autochtones sont mis sur pied dans plusieurs universités en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Selon l’Assemblée des Premières Nations (2010), plus de 515 écoles primaires et secondaires des Premières nations accueillent plus de 100 000 élèves autochtones dans les réserves canadiennes. Cela représente 60 écoles de plus dans les réserves comparativement à juillet 2000.

Les efforts déployés par les dirigeants et les enseignants autochtones pour obtenir l’autorité de l’éducation de leurs enfants mènent à l’adoption de lois fédérales et provinciales qui officialisent la compétence locale des communautés des Premières nations en matière d’éducation. Ensemble, l’Accord définitif Nisga’a, entré en vigueur en 2000 en C.-B., la Loi sur l’éducation des Mi’kmaq, adoptée en Nouvelle-Écosse en 1997-1998, ainsi que la Loi sur l’éducation des Premières nations et la Loi sur la compétence des Premières nations en matière d’éducation de la C.-B., législation fédérale-provinciale, permettent aux collectivités signataires de promulguer des lois sur l’éducation pour leurs écoles à l’intérieur de limites définies.

En 2014, le gouvernement fédéral présente le projet de loi C-33, intitulé Loi sur le contrôle par les Premières nations de leur système d’éducation. Le projet de loi promet, entre autres, un financement de l’éducation autochtone et l’établissement de normes de qualité plus strictes pour l’éducation fournie dans les écoles. L’Assemblée des Premières Nations rejette le projet de loi, soutenant que le gouvernement l’a élaboré sans mener les consultations nécessaires. De nombreux critiques du projet de loi font valoir que celui-ci ne parvient pas à réduire la participation du gouvernement dans l’éducation des Premières nations. Le projet de loi C-33 ne recueille que très peu de soutien parmi les communautés autochtones.

En novembre 2015, le gouvernement fédéral annonce son intention de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA). Les articles 14 et 21 de la Déclaration traitent de l’éducation autochtone. D’autres sections abordent également des questions telles que l’accès à l’éducation, l’enseignement des langues autochtones et les conditions socioéconomiques, pour ne nommer que celles-là. La mise en œuvre de la DDPA exigera une nouvelle législation et la poursuite des négociations en cours entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones.

Le 16 août 2017, le gouvernement fédéral et 23 Premières Nations signent la Loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes, qui leur confère le pouvoir de contrôler l’éducation dans leurs réserves. (Ces Premières Nations ont aussi signé un accord complémentaire avec le gouvernement ontarien.) Les Premières Nations participant à cet accord historique cessent d’être assujetties aux sections de la Loi sur les Indiens qui touchent l’éducation. En vertu de la Loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes, les Premières Nations participantes conviennent de créer le système d’éducation de la Nation des Anishinabes. Il s’agit d’un système qui fait la promotion de la culture et de la langue anishinabe, ainsi que soutient tout autre aide à l’éducation des élèves. Lancé le 1er avril 2018, le système d’éducation de la nation des Anishinabes sert approximativement 2 000 élèves dans les réserves, de la maternelle à la 12e année.

Écoles primaires et secondaires

Avec la prise en charge de leur propre éducation, les peuples autochtones ont maintenant l’occasion de créer et de gérer leurs propres commissions scolaires. Au lendemain de la signature de la Convention de la baie James et du Nord québécois en 1976, la Commission scolaire crie voit le jour. C’est la plus grande commission scolaire gérée par des Premières nations au Canada. Bien que l’éducation des Indiens inscrits dans les réserves relève de la compétence fédérale (article 91 de la Loi constitutionnelle), la Commission scolaire crie est exploitée sous la compétence du Québec en matière d’éducation (article 93 de la Loi constitutionnelle). Elle est financée conjointement par Québec et Ottawa.

La Commission scolaire Kativik est également créée à la suite de la signature de la Convention de la baie James et du Nord québécois, avec pour mission d’assurer l’enseignement primaire et secondaire dans un milieu inuit pour les enfants de 14 écoles du Nunavik, dans le nord du Québec. De plus, la Commission fournit des services d’éducation des adultes et des programmes d’éducation postsecondaire. La création du Nunavut en 1999 débouche sur la formation d’un gouvernement contrôlé par les Inuits qui s’emploie à créer un système d’éducation plus axé sur la culture inuite (et défini par celle-ci) que l’ancien système et les anciens programmes, définis par le seul territoire. Les programmes d’éducation des Inuits, contrairement à ceux offerts dans d’autres écoles autochtones, identifient l’inuktitut comme langue d’instruction officielle pour une partie ou l’ensemble des niveaux de l’école primaire. Malgré cette innovation pédagogique, l’éducation des jeunes inuits se bute aux mêmes obstacles que ceux rencontrés par les autres étudiants autochtones du pays.

En effet, il y a encore beaucoup à faire pour améliorer l’accès des enfants autochtones à l’éducation, ainsi que la qualité de cette éducation. En mars 2016, la CBC signale que les élèves des Premières nations ont droit à 30 % moins de financement que les enfants non autochtones au Canada. Ces lacunes de financement empêchent les responsables des milieux scolaires de fournir des soins, une éducation et un soutien adéquats aux élèves autochtones, et plus particulièrement à ceux qui doivent quitter leur réserve pour aller à l’école, loin de leur communauté d’origine. Un nombre record de suicides chez les jeunes autochtones – dont beaucoup sont contraints de quitter leur ville natale pour aller à l’école – porte cette question à l’avant-plan. Entre 2000 et 2011, sept élèves autochtones fréquentant des écoles privées financées par le gouvernement fédéral s’enlèvent la vie. Au printemps 2016, la Première nation Attawapiskat, en Ontario, déclare l’état d’urgence après que 11 jeunes aient tenté de mettre fin à leurs jours. S’il est vrai que le suicide a, dans ces cas, plusieurs causes sociales et individuelles, il n’en demeure pas moins que les inégalités sociales et la perte historique et actuelle d’identité culturelle comptent parmi les défis les plus évidents auxquels doivent faire face quotidiennement de nombreux étudiants autochtones. (Voir aussi Suicide chez les Autochtones au Canada).

Éducation postsecondaire

Au Canada, depuis la fin des années 1960, on déploie au niveau postsecondaire certains efforts en vue d’intégrer l’histoire et les études autochtones aux programmes de cours. En 1969, l’Université Trent de Peterborough devient la première université canadienne à créer un programme d’études autochtones. La majorité des collèges et universités du pays offrent aujourd’hui des programmes ou des facultés similaires. En 1973, le Saskatchewan Indian Federated College (SIFC), affilié à l’Université de Regina, devient le premier établissement d’enseignement postsecondaire conférant des grades géré par des Autochtones au Canada. En 2003, le SIFC devient une université à charte autonome du nom d’Université des Premières Nations du Canada. On compte plusieurs collèges communautaires des Premières nations au Canada, offrant une vaste gamme de programmes d’enseignement postsecondaire aux étudiants autochtones, parfois en collaboration avec des universités à charte provinciales ou des collèges communautaires.

Affaires autochtones et du Nord Canada finance partiellement l’éducation postsecondaire de certains étudiants autochtones (Indiens inscrits et certains Inuits) par l’entremise du Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire (PAENP). Entre 1997 et 2009, le nombre d’étudiants soutenus par le programme passe de 22 938 à 18 729; en revanche, le nombre de diplômés du programme, lui, augmente entre 1997 et 2008, passant de 3 644 à 3 803. Certaines études menées par l’Assemblée des Premières Nations démontrent que l’absence d’un financement adéquat entrave gravement l’accès au programme. On fait valoir que le budget restreint du programme néglige des milliers d’étudiants qui sont prêts à s’inscrire au PAENP, mais ne sont pas en mesure de le faire.

Perspectives d’avenir : défis et changements

Isadore Charters

Depuis plus d’un siècle, on tente – avec plus ou moins de succès – d’améliorer les résultats scolaires des jeunes autochtones au Canada. Il est évident que d’importantes réformes seront nécessaires avant que l’on puisse constater des changements positifs tangibles dans le taux de diplômés autochtones et les résultats aux niveaux d’enseignement secondaire et postsecondaire. Certains sont d’avis que les autorités fédérales et provinciales doivent demander conseil aux leaders et aux parents autochtones quant à certaines questions clés touchant l’objectif et la valeur de l’éducation formelle fournie aux enfants autochtones. Cela implique notamment de s’attaquer au traumatisme intergénérationnel auquel sont confrontés les enfants et petits-enfants des survivants des pensionnats. Tout échec à ce niveau contribuera à renforcer l’hypothèse selon laquelle les régimes et les politiques d’éducation provinciaux sont non seulement appropriés pour l’éducation des enfants autochtones, mais sont aussi les principaux moyens par lesquels ces enfants devraient recevoir leur éducation.

Pour que les élèves autochtones tirent un maximum de profit de leur éducation formelle, plusieurs réformes sont nécessaires. La majorité des écoles des Premières nations fonctionnent avec très peu de soutien en matière de services d’éducation de deuxième ou de troisième niveau. Les écoles provinciales et territoriales conventionnelles profitent d’une gamme complète de services d’éducation en pédagogie, en administration, en supervision et en recherche, services offerts par les commissions scolaires et les ministères de l’éducation. La pédagogie autochtone nécessitera des recherches plus poussées avant d’être appliquée aux programmes et aux politiques des écoles autochtones. Un changement dans la focalisation des ressources d’enseignement et des programmes scolaires pourrait intégrer et renforcer la culture et les valeurs acquises par les enfants autochtones au sein de leur famille. Les programmes provinciaux de formation des enseignants commencent à intégrer les dynamiques culturelles dans les salles de classe d’écoles autochtones en tant qu’élément clé dans la préparation des étudiants pour l’enseignement aux jeunes autochtones. Les politiques d’éducation à l’échelle locale et urbaine élargissent également les possibilités en ce qui concerne les programmes de formation technique et professionnelle. On accorde une plus grande attention à l’enseignement primaire dans la langue parlée à la maison et dans la communauté, particulièrement dans les régions où la langue autochtone est menacée de disparition.

Au fur et à mesure qu’augmentera la proportion de jeunes autochtones dans les écoles provinciales et territoriales, en partie à cause de la migration vers les communautés urbaines, les autorités provinciales et territoriales en matière d’éducation devront élaborer des politiques et des programmes spécifiques pour garantir que ces jeunes connaissent la réussite à l’école. Les efforts visant à mettre sur pied des écoles secondaires autochtones en milieu urbain à Edmonton, Winnipeg et Saskatoon ont débouché sur des taux de rétention des élèves plus élevés, en raison de l’accent mis sur la culture, la langue et la réhabilitation des élèves.

Les efforts autrefois déployés pour arracher les peuples autochtones à leur culture ancestrale n’ont en rien facilité l’apprentissage dans le système d’éducation formelle. De même, la mise en place unilatérale de régimes et de politiques d’éducation provinciaux dans toutes les écoles autochtones demeure un obstacle à la réussite scolaire chez les enfants autochtones.

Orientations récentes

En 2009, Shannen Koostachin (née le 12 juillet 1994, décédée le 1er juin 2010), une jeune Crie de la Première Nation d’Attawapiskat, en Ontario, se rend au Parlement pour exiger une meilleure éducation pour les Autochtones. La seule école primaire de sa ville natale ayant fermé ses portes plusieurs années auparavant, les élèves locaux sont contraints d’étudier dans des salles de classe mobiles. Certains élèves, dont Shannen Koostachin, ont dû quitter leur ville natale pour recevoir une meilleure éducation. La jeune Crie en veut plus pour les enfants autochtones : elle souhaite qu’ils aient une expérience scolaire agréable. Malgré sa vie de courte durée (elle trouvera la mort dans un accident de voiture à l’âge de 15 ans), son message sur l’importance d’une meilleure éducation pour les enfants autochtones perdure. L’organisme Shannen’s Dream, fondé en l’honneur de la jeune fille, continue aujourd’hui d’exercer des pressions pour une amélioration de l’éducation, des écoles et des ressources pour les enfants autochtones. Avec l’aide de ses partenaires, l’organisme joue un rôle déterminant dans la construction d’une nouvelle école élémentaire à Attawapiskat. La construction commence le 22 juin 2012, le jour même où Shannen Koostachin aurait obtenu son diplôme d’études secondaires. L’école élémentaire Kattawapiskak ouvre ses portes à l’été 2014. Grâce à ses efforts, Shannen Koostachin est comptée parmi les 150 Canadiens les plus influents de 2017.

En septembre 2016, l’Université de Winnipeg au Manitoba et l’Université Lakehead en Ontario rendent obligatoire l’acquisition de connaissances sur les cultures autochtones dans le cadre de tous leurs programmes de premier cycle. Dans les deux universités, les étudiants doivent suivre au moins un cours d’études autochtones pour obtenir leur diplôme.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) prévoit des dispositions pour la création de commissions scolaires dans des communautés autochtones du nord du Québec. C’est ainsi qu’est créée Kativik Ilisarniliriniq (la commission scolaire Kativik) au Nunavik en 1975. En 1978, la Loi sur l’instruction publique établit la commission scolaire crie. Plus tard, ces changements sont consacrés par la Loi sur l’instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis. En décembre 2016, le Système scolaire des Premières Nations du Manitoba est établi grâce à la collaboration du Manitoba First Nations Education Resource Centre et des Premières Nations du Manitoba. Bien qu’elles soient toujours tenues de suivre le programme scolaire provincial, ces Premières Nations peuvent y ajouter des cours de langue et d’histoire adaptés à leur culture, entre autres. Certaines Premières Nations du Manitoba décident toutefois de ne pas se joindre au système scolaire puisqu’elles souhaitent conserver leur contrôle sur le financement de l’éducation.

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