Le premier chemin de fer du Canada | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Le premier chemin de fer du Canada

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

Pendant presque toute l’histoire de l’humanité, ni les gens ni les marchandises ne pouvaient être transportés plus rapidement ou en plus grand nombre que ne le permettait la force musculaire de l’homme et des animaux. Tout change au début du 19e siècle lorsqu’on réussit à exploiter la pression de la vapeur d’eau et à mettre au point le moteur à vapeur. Le mariage de la vapeur et du rail donne naissance au chemin de fer et à la plus formidable révolution du transport de l’histoire mondiale.

Parmi les premières voies ferrées, la voie ferrée reliant Liverpool à Manchester est inaugurée en septembre 1830 en Angleterre. Malgré la mort d’un député, écrasé par une locomotive lors de l’inauguration, le Liverpool and Manchester Railway allume la fièvre du rail dans le monde entier.

Canada's First Railway

La locomotive au bois Dorchester (à partir d'un dessin de John Loye, 1836/avec la permission de Canadian National)

Création de la Champlain et Saint Laurence Railroad

Un groupe d’hommes d’affaires montréalais se rend très vite compte du potentiel du chemin de fer pour le Canada, aux prises avec une géographie vaste et difficile. En fait, les avantages de la puissance de la vapeur commencent déjà à être perçus en Amérique du Nord. Dans les années 1820, des ingénieurs militaires utilisent un treuil fixé à une locomotive à vapeur stationnaire pour hisser des wagons remplis de gros blocs de granit sur les pentes à pic de la Citadelle de Québec. En 1831, on ouvre une voie ferrée entre Albany et Schenectady, dans l’état de New York. Parmi les premiers voyageurs sur cette voie figurent Peter McGill, le président de la Banque de Montréal, et Jason C. Pierce, du Vermont, qui a été fait prisonnier pendant la guerre de 1812 et s’est établi à Saint-Jean (maintenant connu sous le nom de St. John’s), un village prospère au bord de la rivière Richelieu. Ces deux hommes et le brasseur John Molson sont à l’origine du projet de loi qui a donné naissance, le 25 février 1832, à la première compagnie de chemin de fer du Canada. Ils l’ont appelé la Champlain and Saint Laurence Railroad.

Pour sa part, Pierce, qui est à la tête d’un commerce de transport maritime est convaincu qu’un chemin de fer qui relierait le Saint-Laurent et le lac Champlain faciliterait et accélérerait les déplacements entre Montréal et New York.

Construction

La construction commence au printemps 1835. Deux jeunes ingénieurs américains effectuent les levés d’un tracé qui relierait Saint-Jean et le point le plus proche du Saint-Laurent, un hameau nommé La Prairie, situé à 12 km (à vol d’oiseau) en amont de Montréal. À la fin de l’année, on achève le nivellement, les clôtures, la maçonnerie, la construction du pont, un quai à La Prairie et une partie des deux gares. La compagnie commande une locomotive à vapeur à Newcastle, en Angleterre, et quatre voitures de voyageurs aux États-Unis. Une usine de Montréal construit les wagons plats et les wagons à bagages.

Les rails sont des pièces en pin de six pouces carrés raccordées à leurs extrémités par des éclisses en fer et des boulons. Les rails sont protégés par un feuillard en fer fixé à leur surface supérieure par des crampons. Bien qu’ils paraissent dangereux, ils ne causent qu’un accident mineur avant qu’on les remplace par des rails en fer vers 1850.

Au printemps 1836, la locomotive Dorchester arrive à La Prairie. Elle est probablement sujette à un démontage pour le transport et à un réassemblement. Elle est munie de quatre roues motrices et se caractérise par son centre de gravité élevé et un entraxe court qui la rend instable et lui vaut le surnom de « Kitten » (le chaton) à cause de son comportement capricieux. Un conducteur contractuel accompagne la locomotive, mais il repart peu de temps après. On raconte que les essais de la Dorchester s’effectuent la nuit au clair de lune, peut-être pour ne pas effrayer le public.

Réplique de Dorchester

Une réplique de la locomotive Dorchester de la ligne Champlain et Saint Laurenceà Montréal pour le centenaire de la ligne ferroviaire, environ de 1935-1936.

Ouverture

En juillet 1836, une grande fête est organisée pour souligner l’ouverture de la Champlain and Saint Laurence Railroad. Lord Gosford, le gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique, et Louis-Joseph Papineau, le futur rebelle, figurent parmi les premiers voyageurs. Comme la petite locomotive à vapeur ne peut pas prendre en charge les 300 invités, seules les deux voitures de passagers y sont attachées. Les autres voitures et les wagons plats sont fixés à des attelages de chevaux. En deux heures, tout ce beau monde atteint la gare flambant neuve de Saint-Jean et il s’ensuit une multitude de toasts et de témoignages.

Si on trouve le chemin de fer trop cher pour expédier des marchandises, il attire par contre le trafic voyageur de partout. Les familles montréalaises ne peuvent résister à une sortie en traversier et en train qui ne leur coûte que quelques shillings. Il faut établir un règlement pour remédier à l’insouciance des voyageurs. Les gens qui marchent sur le toit des voitures ou qui font monter un chien dans une voiture de première classe sont frappés d’une amende.

Le saviez-vous?
En 1842, après avoir mis en scène quelques pièces de théâtre à Montréal, le romancier britannique Charles Dickens emprunte la Champlain and Saint Laurence Railroad pour rentrer à New York.

Précurseure de la folie liée aux chemins de fer

La Champlain and Saint Laurence Railroad reste la seule voie ferrée publique du Canada pendant environ dix ans. La construction des grandes voies ferrées ne démarre pas au Canada avant les années 1850, mais une fois commencée, le phénomène s’implante sur-le-champ. Les lignes de chemin de fer dominent la politique publique, stimulent le commerce et l’industrie, contribuent à la création de villes, transportent des colons vers l’ouest, déracinent les peuples autochtones et tissent un pays au départ improbable. (Voir Histoire du chemin de fer; Histoire de la colonisation des prairies canadiennes.)

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